La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°1636)

Partie : Livre 3, chapitre VI

Dans l'église, pendant la grand-messe, le prêtre acheva de retrouver Dieu. Il y avait longtemps qu'il ne s'était approché de l'autel avec un tel attendrissement. Il dut se contenir, pour ne pas éclater en larmes, la bouche collée sur la nappe. C'était une grand-messe solennelle. L'oncle de la Rosalie, le garde champêtre, chantait au lutrin, d'une voix de basse dont le ronflement emplissait d'un chant d'orgue la voûte écrasée. Vincent, habillé d'un surplis trop large, qui avait appartenu à l'abbé Caffin, balançait un vieil encensoir d'argent, prodigieusement amusé par le bruit des chaînettes, encensant très haut pour obtenir beaucoup de fumée, regardant derrière lui si ça ne faisait tousser personne. L'église était presque pleine. On avait voulu voir les peintures de monsieur le curé. Des paysannes riaient, parce que ça sentait bon ; tandis que les hommes, au fond, debout sous la tribune, hochaient la tête, à chaque note plus creuse du chantre.Par les fenêtres, le grand soleil de dix heures, que tamisaient les vitres de papier, entrait, étalant sur les murs recrépis de grandes moires très gaies, où l'ombre des bonnets de femme mettait des vols de gros papillons. Et les bouquets artificiels, posés sur les gradins de l'autel, avaient eux-mêmes une joie humide de fleurs naturelles, fraîchement cueillies. Lorsque le prêtre se tourna, pour bénir les assistants, il éprouva un attendrissement plus vif encore, à voir l'église si propre, si pleine, si trempée de musique, d'encens et de lumière.

?>