La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°1812)

Partie : Livre 3, chapitre VIII

Oh ! les sentiers des prairies !... Tu n'as donc plus de mémoire, Serge ? Tu ne connais plus les chemins d'herbe fine, qui s'en vont à travers les prés, parmi de grandes mares de verdure ?... L'après-midi dont je te parle, nous n'étions sortis que pour une heure. Puis, nous allâmes toujours devant nous, si bien que les étoiles se levaient, lorsque nous marchions encore. Cela était si doux, ce tapis sans fin, souple comme de la soie ! Nos pieds ne rencontraient pas un gravier. On eût dit une mer verte, dont l'eau moussue nous berçait. Et nous savions bien où nous conduisaient ces sentiers si tendres qui ne menaient nulle part. Ils nous conduisaient à notre amour, à la joie de vivre les mains à nos tailles, à la certitude d'une journée de bonheur... Nous rentrâmes sans fatigue. Tu étais plus léger qu'au départ, parce que tu m'avais donné tes caresses et que je n'avais pu te les rendre toutes.

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