La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°397)

Partie : Livre 1, chapitre XI

Depuis que Désirée était aux Artaud, elle passait ses journées en pleine béatitude. Enfin, elle contentait le rêve de son existence, le seul désir qui l'eût tourmentée, au milieu de sa puérilité de faible d'esprit. Elle possédait une basse-cour, un trou qu'on lui abandonnait, où elle pouvait faire pousser des bêtes à sa guise. Dès lors, elle s'enterra là, bâtissant elle-même des cabanes pour les lapins, creusant la mare aux canards, tapant des clous, apportant de la paille, ne tolérant pas qu'on l'aidât. La Teuse en était quitte pour la débarbouiller. La basse-cour se trouvait située derrière le cimetière ; souvent même, Désirée devait rattraper, au milieu des tombes, quelque poule curieuse, sautée par-dessus le mur. Au fond, se trouvait un hangar où étaient la lapinière et le poulailler ; à droite, logeait la chèvre, dans une petite écurie. D'ailleurs, tous les animaux vivaient ensemble, les lapins lâchés avec les poules, la chèvre prenant des bains de pieds au milieu des canards, les oies, les dindes, les pintades, les pigeons fraternisant en compagnie de trois chats. Quand elle se montrait à la barrière de bois qui empêchait tout ce monde de pénétrer dans l'église, un vacarme assourdissant la saluait.

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