La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°604)

Partie : Livre 1, chapitre XIV

L'abbé Mouret la regardait. C'était l'heure où il aimait l'église. Il oubliait le Christ lamentable, le supplicié barbouillé d'ocre et de laque, qui agonisait derrière lui, à la chapelle des Morts. Il n'avait plus la distraction de la clarté crue des fenêtres, des gaietés du matin entrant avec le soleil, de la vie du dehors, des moineaux et des branches envahissant la nef par les carreaux cassés. A cette heure de nuit, la nature était morte, l'ombre tendait de crêpe les murs blanchis, la fraîcheur lui mettait aux épaules un cilice salutaire ; il pouvait s'anéantir dans l'amour absolu, sans que le jeu d'un rayon, la caresse d'un souffle ou d'un parfum, le battement d'une aile d'insecte, vint le tirer de sa joie d'aimer. Sa messe du matin ne lui avait jamais donné les délices surhumaines de ses prières du soir.

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