La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°647)

Partie : Livre 2, chapitre 1

Devant les deux larges fenêtres, des rideaux de calicot, soigneusement tirés, éclairaient la chambre de la blancheur tamisée du petit jour. Elle était haute de plafond, très vaste, meublée d'un ancien meuble Louis XV, à bois peint en blanc, à fleurs rouges sur un semis de feuillage. Dans le trumeau, au-dessus des portes, aux deux côtés de l'alcôve, des peintures laissaient encore voir les ventres et les derrières roses de petits Amours volant par bandes, jouant à des jeux qu'on ne distinguait plus ; tandis que les boiseries des murs, ménageant des panneaux ovales, les portes à double battant, le plafond arrondi, jadis à fond bleu de ciel, avec des encadrements de cartouches, de médaillons, de nœuds de ruban couleur chair, s'effaçaient, d'un gris très doux, un gris qui gardait l'attendrissement de ce paradis fané. En face des fenêtres, la grande alcôve, s'ouvrant sous des enroulements de nuages, que des Amours de plâtre écartaient, penchés, culbutés, comme pour regarder effrontément le lit, était fermée, ainsi que les fenêtres, par des rideaux de calicot,cousus à gros points, d'un innocence singulière au milieu de cette pièce restée toute tiède d'une lointaine odeur de volupté.

?>