La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°699)

Partie : Livre 2, chapitre II

Pendant trois jours encore, le temps resta affreux. Des ondées crevaient sur les arbres, dans une lointaine clameur de fleuve débordé. Des coups de vent roulaient, s'abattaient contre les fenêtres, avec un acharnement de vagues énormes. Serge avait voulu qu'Albine fermâthermétiquement les volets. La lampe allumée, il n'avait plus le deuil des rideaux blafards, il ne sentait plus le gris du ciel entrer par les plus minces fentes, couler jusqu'à lui, ainsi qu'une poussière qui l'enterrait. Il s'abandonnait, les bras amaigris, la tête pâle, d'autant plus faible que la campagne était plus malade. A certaines heures de nuages d'encre, lorsque les arbres tordus craquaient, que la terre laissait traîner ses herbes sous l'averse, comme des cheveux de noyée, il perdait jusqu'au souffle, il trépassait, battu lui-même par l'ouragan. Puis, à la première éclaircie, au moindre coin de bleu, entre deux nuées, il respirait, il goûtait l'apaisement des feuillages essuyés, des sentiers blanchissants, des champs buvant leur dernière gorgée d'eau. Albine, maintenant, implorait à son tour le soleil ; elle se mettait vingt fois par jour à la fenêtre du palier, interrogeant l'horizon, heureuse des moindres taches blanches, inquiète des masses d'ombre, cuivrées, chargées de grêle, redoutant quelque nuage trop noir qui lui tuerait son cher malade. Elle parlait d'envoyer chercher le docteur Pascal. Mais Serge ne voulait personne. Il disait :

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