La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°714)

Partie : Livre 2, chapitre III

Quelle heureuse et tendre journée ! Le soleil entrait à droite, loin de l'alcôve. Serge, pendant toute la matinée,le regarda s'avancer à petits pas. Il le voyait venir à lui, jaune comme de l'or, écornant les vieux meubles, s'amusant aux angles, glissant parfois à terre, pareil à un bout d'étoffe déroulé. C'était une marche lente, assurée, une approche d'amoureuse, étirant ses membres blonds, s'allongeant jusqu'à l'alcôve d'un mouvement rythmé, avec une lenteur voluptueuse qui donnait un désir fou de sa possession. Enfin, vers deux heures, la nappe de soleil quitta le dernier fauteuil, monta le long des couvertures, s'étala sur le lit, ainsi qu'une chevelure dénouée. Serge abandonna ses mains amaigries de convalescent à cette caresse ardente, il fermait les yeux à demi, il sentait courir sur chacun de ses doigts des baisers de feu, il était dans un bain de lumière, dans une étreinte d'astre. Et comme Albine était là qui se penchait en souriant :

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