La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°765)

Partie : Livre 2, chapitre V

Et, en effet, elle s'amusa à lui nommer les objets qu'il touchait. Il n'avait qu'un balbutiement, il redoublait les syllabes, ne prononçant aucun mot avec netteté. Cependant, elle commençait à le promener dans la chambre. Elle le soutenait, le menait du lit à la fenêtre.C'était un grand voyage. Il manquait de tomber deux ou trois fois en route, ce qui la faisait rire. Un jour, il s'assit par terre, et elle eut toutes les peines du monde à le relever. Puis, elle lui fit entreprendre le tour de la pièce, en l'asseyant sur le canapé, les fauteuils, les chaises, tour de ce petit monde, qui demandait une bonne heure. Enfin, il put risquer quelques pas tout seul. Elle se mettait devant lui, les mains ouvertes, reculait en l'appelant, de façon à ce qu'il traversât la chambre pour retrouver l'appui de ses bras. Quand il boudait, qu'il refusait de marcher, elle ôtait son peigne qu'elle lui tendait comme un joujou. Alors, il venait le prendre, et il restait tranquille, dans un coin, à jouer pendant des heures avec le peigne, à l'aide duquel il grattait doucement ses mains.

?>