La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°878)

Partie : Livre 2, chapitre VII

A côté d'eux était un champ d'héliotropes, d'une haleine de vanille, si douce, qu'elle donnait au vent une caresse de velours. Alors, ils s'assirent sur une des colonnes renversées, au milieu d'un bouquet de lis superbes qui avaient poussé là. Depuis plus d'une heure, ils marchaient. Ils étaient venus des roses dans les lis, à travers toutes les fleurs. Les lis leur offraient un refuge de candeur, après leur promenade d'amants, au milieu de la sollicitation ardente des chèvrefeuilles suaves, des violettes musquées, des verveines exhalant l'odeur fraîche d'un baiser, des tubéreuses soufflant la pâmoison d'une volupté mortelle. Les lis, aux tiges élancées, les mettaient dans un pavillon blanc, sous le toit de neige de leurs calices, seulement égayés des gouttes d'or légères des pistils. Et ils restaient, ainsi que des fiancés enfants, souverainement pudiques, comme au centre d'une tour de pureté, d'une tour d'ivoire inattaquable, où ils ne s'aimaient encore que de tout le charme de leur innocence.

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