La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°987)

Partie : Livre 2, chapitre IX

Matinée d'enfance, polissonnerie de galopins lâchés dans le Paradou. Albine et Serge passèrent là des heures puériles d'école buissonnière, à courir, à crier, à se taper, sans que leurs chairs innocentes eussent un frisson. Ce n'était encore que la camaraderie de deux garnements, qui songeront peut-être plus tard à se baiser sur les joues, lorsque les arbres n'auront plus de dessert à leur donner. Et quel joyeux coin de nature pour cette première escapade ! Un trou de feuillage, avec des cachettes excellentes. Des sentiers le long desquels il n'était pas possible d'être sérieux, tant les haies laissaient tomber de rires gourmands. Le parc avait, dans cet heureux verger, une gaminerie de buissons s'en allant à la débandade, une fraîcheur d'ombre invitant à la faim, une vieillesse de bons arbres pareils à des grands-pères pleins de gâteries. Même, au fond des retraites vertes de mousse, sous les troncs cassés qui les forçaient à ramper l'un derrière l'autre, dans des corridors de feuilles, si étroits, que Serge s'attelait en riant aux jambes nues d'Albine, ils ne rencontraient point la rêverie dangereuse du silence. Rien de troublant ne leur venait du bois en récréation.

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