La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°1017)

Partie : Préface, chapitre VI

Alors Pierre s'arrêta un instant sur le trottoir désert. Il poussa un gros soupir de soulagement et de triomphe. Ces gueux de républicains lui abandonnaient donc Plassans. La ville lui appartenait, à cette heure : elle dormait comme une sotte ; elle était là, noire et paisible, muette et confiante, et il n'avait qu'à étendre la main pour la prendre. Cette courte halte, ce regard d'homme supérieur jeté sur le sommeil de toute une sous-préfecture, lui causèrent des jouissances ineffables. Il resta là, croisant les bras, prenant, seul dans la nuit, unepose de grand capitaine à la veille d'une victoire. Au loin, il n'entendait que le chant des fontaines du cours, dont les filets d'eau sonores tombaient dans les bassins.

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