La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°1032)

Partie : Préface, chapitre VI

Macquart, en effet, se carrait en haut dans le cabinet du maire, assis dans un fauteuil, les coudes sur son bureau. Après le départ des insurgés, avec cette belle confiance d'un homme d'esprit grossier, tout à son idée fixe et tout à sa victoire, il s'était dit qu'il était le maître de Plassans et qu'il allait s'y conduire en triomphateur. Pour lui, cette bande de trois mille hommes qui venait de traverser la ville était une armée invincible, dont le voisinage suffirait pour tenir ses bourgeois humbles etdociles sous sa main. Les insurgés avaient enfermé les gendarmes dans leur caserne, la garde nationale se trouvait démembrée, le quartier noble devait crever de peur, les rentiers de la ville neuve n'avaient certainement jamais touché un fusil de leur vie. Pas d'armes, d'ailleurs, pas plus que de soldats. Il ne prit seulement pas la précaution de faire fermer les portes, et tandis que ses hommes poussaient la confiance plus loin encore, jusqu'à s'endormir, il attendait tranquillement le jour qui allait, pensait-il, amener et grouper autour de lui tous les républicains du pays.

?>