La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°1055)

Partie : Préface, chapitre VI

Rougon, seul enfin, s'assit à son tour dans le fauteuil du maire. Il poussa un soupir, il s'essuya le front. Que la conquête de la fortune et des honneurs était rude ! Enfin, il touchait au but, il sentait le fauteuil moelleux s'enfoncer sous lui, il caressait de la main, d'un geste machinal, le bureau d'acajou, qu'il trouvait soyeux et délicat comme la peau d'une jolie femme. Et il se carra davantage, il prit la pose digne que Macquart avait un instant auparavant, en écoutant la lecture de la proclamation. Autour de lui, le silence du cabinet lui semblait prendre une gravité religieuse qui lui pénétrait l'âme d'une divine volupté. Il n'était pas jusqu'à l'odeur de poussière et de vieux papiers, traînant dans les coins, qui ne montât comme un encens à ses narines dilatées.

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