La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°1101)

Partie : Préface, chapitre VI

Ce fut à ce moment que Roudier entra. Il sembla à la vieille femme qu'il était d'une bien plus grande politesse. Les " monsieur ", les " madame " roulaient, avec une musique délicieuse. D'ailleurs, les habitués arrivaient à lafile, le salon s'emplissait. Personne ne connaissait encore, dans leurs détails, les événements de la nuit, et tous accouraient, les yeux hors de la tête, le sourire aux lèvres, poussés par les rumeurs qui commençaient à courir la ville. Ces messieurs qui, la veille au soir, avaient quitté si précipitamment le salon jaune, à la nouvelle de l'approche des insurgés, revenaient, bourdonnants, curieux et importuns, comme un essaim de mouches qu'aurait dispersé un coup de vent. Certains n'avaient pas même pris le temps de mettre leurs bretelles. Leur impatience était grande, mais il était visible que Rougon attendait quelqu'un pour parler. A chaque minute, il tournait vers la porte un regard anxieux. Pendant une heure, ce furent des poignées de main expressives, des félicitations vagues, des chuchotements admiratifs, une joie contenue, sans cause certaine, et qui ne demandait qu'un mot pour devenir de l'enthousiasme.

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