La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°1149)

Partie : Préface, chapitre VI

Ce fut une traînée de poudre. En quelques minutes, d'un bout à l'autre de la ville, l'histoire courut. Le nom de Rougon vola de bouche en bouche, avec des exclamations de surprise dans la ville neuve, des crisd'éloge dans le vieux quartier. L'idée qu'ils étaient sans sous-préfet, sans maire, sans directeur des postes, sans receveur particulier, sans autorité d'aucune sorte, consterna d'abord les habitants. Ils restaient stupéfaits d'avoir pu achever leur somme et de s'être réveillés comme à l'ordinaire, en dehors de tout gouvernement établi. La première stupeur passée, ils se jetèrent avec abandon dans les bras des libérateurs. Les quelques républicains haussaient les épaules ; mais les petits détaillants, les petits rentiers, les conservateurs de toute espèce bénissaient ces héros modestes dont les ténèbres avaient caché les exploits. Quand on sut que Rougon avait arrêté son propre frère, l'admiration ne connut plus de bornes ; on parla de Brutus ; cette indiscrétion qu'il redoutait tourna à sa gloire. A cette heure d'effroi mal dissipé, la reconnaissance fut unanime. On acceptait le sauveur Rougon sans le discuter.

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