La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°1177)

Partie : Préface, chapitre VI

Pendant ce temps, Rougon prenait officiellement possession de la mairie. Il n'était resté que huit conseillers municipaux ; les autres se trouvaient entre les mains des insurgés, ainsi que le maire et les deuxadjoints. Ces huit messieurs, de la force de Granoux, eurent des sueurs d'angoisse, lorsque ce dernier leur expliqua la situation critique de la ville. Pour comprendre avec quel effarement ils vinrent se jeter dans les bras de Rougon, il faudrait connaître les bonshommes dont sont composés les conseils municipaux de certaines petites villes. A Plassans, le maire avait sous la main d'incroyables buses, de purs instruments d'une complaisance passive. Aussi, monsieur Garçonnet n'étant plus là, la machine municipale devait se détraquer et appartenir à quiconque saurait en ressaisir les ressorts. A cette heure, le sous-préfet ayant quitté le pays, Rougon se trouvait naturellement, par la force des circonstances, le maître unique et absolu de la ville ; crise étonnante, qui mettait le pouvoir entre les mains d'un homme taré, auquel, la veille, pas un de ses concitoyens n'aurait prêté cent francs.

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