La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°1187)

Partie : Préface, chapitre VI

Dans les rues, il éprouva un malaise. La ville lui parut changée. Elle prenait un air singulier ; des ombres filaient rapidement le long des trottoirs, le vide et le silence se faisaient, et, sur les maisons mornes, semblait tomber, avec le crépuscule, une peur grise, lente et opiniâtre comme une pluie fine. La confiance bavarde de la journée aboutissait fatalement à cette panique sans cause, à cet effroi de la nuit naissante, les habitants étaient las, rassasiés de leur triomphe, à ce point qu'il ne leur restait des forces que pour rêver des représailles terribles de la part des insurgés. Rougon frissonna dans ce courant d'effroi. Il hâta le pas, la gorge serrée. En passant devant un café de la place des Récollets, qui venait d'allumer ses lampes, et où se réunissaient les petits rentiers de la ville neuve, il entendit un bout de conversation très effrayant.

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