La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°1213)

Partie : Préface, chapitre VI

Rougon voulut courir après lui, avoir d'autres renseignements ; mais il était déjà loin. Certes, la commission n'eut pas envie de se rendormir. Des bruits étranges ! des feux ! une attaque ! et cela, au milieu de la nuit ! Aviser, c'était facile à dire, mais que faire ? Granoux faillit conseiller la même tactique qui leur avait réussi la veille : se cacher, attendre que les insurgés eussent traversé Plassans, et triompher ensuite dans les rues désertes. Pierre, heureusement, se souvenant des conseils de sa femme, dit que Roudier avait pu se tromper, et que le mieux était d'aller voir. Certains membres firent la grimace ; mais quand il fut convenuqu'une escorte armée accompagnerait la commission, tous descendirent avec un grand courage. En bas, ils ne laissèrent que quelques hommes ; ils se firent entourer par une trentaine de gardes nationaux ; puis ils s'aventurèrent dans la ville endormie. La lune seule, glissant au ras des toits, allongeait ses ombres lentes. Ils allèrent vainement le long des remparts, de porte en porte, l'horizon muré, ne voyant rien, n'entendant rien. Les gardes nationaux des différents postes leur dirent bien que des souffles particuliers leur venaient de la campagne, par-dessus les portails fermés ; ils tendirent l'oreille sans saisir autre chose qu'un bruissement lointain, que Granoux prétendit reconnaître pour la clameur de la Viorne.

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