La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°1272)

Partie : Préface, chapitre VI

Elle ferma violemment la fenêtre, pour ne plus voir, pour ne plus entendre. Et quand elle eut allumé la lampe, ils dînèrent, découragés, sans faim, laissant les morceaux sur leur assiette. Ils n'avaient que quelques heures pour prendre un parti. Il fallait qu'au réveil ils tinssent Plassans sous leurs talons et qu'ils lui fissent demander grâce, s'ils ne voulaient renoncer à la fortune rêvée. Le manque absolu de nouvelles certaines était l'unique cause de leur indécision anxieuse. Félicité, avec sa netteté d'esprit, comprit vite cela. S'ils avaient pu connaître le résultat du coup d'Etat, ils auraient payé d'audace et continué quand même leur rôle de sauveurs, ou ils se seraient hâtés de faire oublier le plus possible leur campagne malheureuse. Mais ils ne savaient rien de précis, ils perdaient la tête, ils avaient des sueurs froides à jouer ainsi leur fortune, sur un coup de dés, en pleine ignorance des événements.

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