La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°1463)

Partie : Préface, chapitre VI

Cependant Macquart avait passé la journée chez tante Dide. Il s'était allongé sur le vieux coffre, en regrettant le divan de monsieur Garçonnet. A plusieurs reprises, il eut une envie folle d'aller écorner ses deux cents francs dans quelque café voisin ; cet argent, qu'il avait mis dans une des poches de son gilet, lui brûlait le flanc ; il employa le temps à le dépenser en imagination. Sa mère, chez laquelle, depuis quelques jours, ses enfants accouraient, éperdus, la mine pâle, sans qu'elle sortît de son silence, sans que sa figure perdît son immobilité morte, tourna autour de lui, avec ses mouvements roides d'automate, ne paraissant même pas s'apercevoir de sa présence. Elle ignorait les peurs qui bouleversaient la ville close ; elle était à mille lieues de Plassans, montée dans cette continuelle idée fixe qui tenait ses yeux ouverts, vides de pensée. A cette heure, pourtant, une inquiétude, un souci humain faisait par instants battre ses paupières. Antoine, ne pouvant résister au désir de manger un bon morceau, l'envoya chercher un poulet rôti chez un traiteur du faubourg. Quand il fut attablé :

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