La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°203)

Partie : Préface, chapitre II

Derrière la masure de Macquart, il y avait une petite cour qu'une muraille séparait du terrain des Fouque. Un matin, les voisins furent très surpris en voyant cette muraille percée d'une porte, qui la veille au soir n'était pas là. En une heure, le faubourg entier défila aux fenêtres voisines. Les amants avaient dû travailler toute la nuit pour creuser l'ouverture et pour poser la porte. Maintenant ils pouvaient aller librement de l'un chez l'autre. Le scandale recommença ; on fut moins doux pour Adélaïde, qui décidément était la honte du faubourg ; cette porte, cet aveu tranquille et brutal de vie commune lui fut plus violemment reproché que ses deux enfants. " On sauve au moins les apparences ", disaient les femmes les plus tolérantes. Adélaïde ignorait ce qu'on appelle " sauver les apparences " ; elle était très heureuse, très fière de sa porte ; elle avait aidé Macquart à arracher les pierres du mur, elle lui avait même gâché du plâtre pour que la besogne allât plus vite ; aussi vint-elle, le lendemain, avec une joie d'enfant, regarder son œuvre, en plein jour, ce qui parut le comble dudévergondage à trois commères, qui l'aperçurent, contemplant la maçonnerie encore fraîche. Dès lors, à chaque apparition de Macquart, on pensa, en ne voyant plus la jeune femme, qu'elle allait vivre avec lui dans la masure de l'impasse Saint-Mittre.

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