La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°217)

Partie : Préface, chapitre II

Bientôt le moment qu'il guettait arriva. La maison Puech et Lacamp râlait. Le jeune homme négocia alors son mariage avec une adresse prudente. Il fut accueilli, sinon comme un sauveur, du moins comme un expédient nécessaire et acceptable. Le mariage arrêté, il s'occupa activement de la vente de l'enclos. Le propriétaire du Jas-Meiffren, désirant arrondir ses terres, lui avait déjà fait des offres à plusieurs reprises ; un mur mitoyen, bas et mince, séparait seul les deux propriétés. Pierre spécula sur les désirs de son voisin, homme fort riche, qui, pour contenter un caprice, alla jusqu'à donner cinquante mille francs de l'enclos. C'était le payer deux fois sa valeur. D'ailleurs, Pierre se faisait tirer l'oreille, avec une sournoiserie de paysan, disant qu'il ne voulait pas vendre, que sa mère ne consentirait jamais à se défaire d'un bien où les Fouque, depuis près de deux siècles, avaient vécu de père en fils. Tout en paraissant hésiter, il préparait la vente. Des inquiétudes lui étaient venues. Selon sa logique brutale, l'enclos lui appartenait, il avait le droit d'en disposer à son gré. Cependant, au fond de cette assurance, s'agitait le vague pressentiment des complications du Code. Il se décida à consulter indirectement un huissier du faubourg.

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