La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°230)

Partie : Préface, chapitre II

Pierre, abattu, moins tenace, aurait vingt fois liquidé sans l'attitude crispée et opiniâtre de sa femme. Elle voulait être riche. Elle comprenait que son ambition ne pouvait bâtir que sur la fortune. Quand ils auraient quelques centaines de mille francs, ils seraient les maîtres de la ville ; elle ferait nommer son mari à un poste important, elle gouvernerait. Ce n'était pas la conquêtedes honneurs qui l'inquiétait ; elle se sentait merveilleusement armée pour cette lutte. Mais elle restait sans force devant les premiers sacs d'écus à gagner. Si le maniement des hommes ne l'effrayait pas, elle éprouvait une sorte de rage impuissante en face de ces pièces de cent sous, inertes, blanches et froides, sur lesquelles son esprit d'intrigue n'avait pas de prise, et qui se refusaient stupidement à elle.

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