La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°24)

Partie : Préface, chapitre I

Dès qu'il se sentit à couvert, il ralentit sa marche. Il était alors dans l'allée verte qui longe la muraille, derrière les planches. Là, il n'entendit même plus le bruit de ses pas ; l'herbe gelée craquait à peine sous ses pieds. Un sentiment de bien-être parut s'emparer de lui. Il devait aimer ce lieu, n'y craindre aucun danger, n'y rien venir chercher, que de doux et de bon. Il cessa de cacher son fusil. L'allée s'allongeait, pareille à une tranchée d'ombre ; de loin en loin, la lune, glissant entre deux tas de planches, coupait l'herbe d'une raie de lumière. Toutdormait, les ténèbres et les clartés, d'un sommeil profond, doux et triste. Rien de comparable à la paix de ce sentier. Le jeune homme le suivit dans toute sa longueur. Au bout, à l'endroit où les murailles du Jas-Meiffren font un angle, il s'arrêta, prêtant l'oreille, comme pour écouter si quelque bruit ne venait pas de la propriété voisine. Puis, n'entendant rien, il se baissa, écarta une planche et cacha son fusil dans un tas de bois.

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