La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°263)

Partie : Préface, chapitre III

Les plus fins politiques de Plassans, ceux qui dirigeaient le mouvement réactionnaire, ne flairèrent l'Empire que fort tard. La popularité du prince Louis Napoléon leur parut un engouement passager de la foule dont on aurait facilement raison. La personne même du prince leur inspirait une admiration médiocre. Ils le jugeaient nul, songe-creux, incapable de mettre la main sur la France et surtout de se maintenir au pouvoir. Pour eux, ce n'était qu'un instrument dont ils comptaient se servir, qui ferait la place nette, et qu'ils mettraient à la porte, lorsque l'heure serait venue où le vrai prétendantdevrait se montrer. Cependant les mois s'écoulèrent, ils devinrent inquiets. Alors seulement ils eurent vaguement conscience qu'on les dupait. Mais on ne leur laissa pas le temps de prendre un parti ; le coup d'Etat éclata sur leurs têtes, et ils durent applaudir. La grande impure, la République, venait d'être assassinée. C'était un triomphe quand même. Le clergé et la noblesse acceptèrent les faits avec résignation, remettant à plus tard la réalisation de leurs espérances, se vengeant de leur mécompte en s'unissant aux bonapartistes pour écraser les derniers républicains.

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