La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°266)

Partie : Préface, chapitre III

Je ne sais ce que tu peux faire, répétait Félicité, mais il me semble qu'il y a quelque chose à faire. Monsieur de Carnavant ne nous disait-il pas, l'autre jour, qu'il serait riche si jamais Henri V revenait, et que ce roi récompenserait magnifiquement ceux qui auraient travaillé à son retour. Notre fortune est peut-être là. Ilserait temps d'avoir la main heureuse. Le marquis de Carnavant, ce noble qui, selon la chronique scandaleuse de la ville, avait connu intimement la mère de Félicité, venait en effet, de temps à autre rendre visite aux époux. Les méchantes langues prétendaient que madame Rougon lui ressemblait. C'était un petit homme, maigre, actif, alors âgé de soixante-quinze ans, dont cette dernière semblait avoir pris, en vieillissant, les traits et les allures. On racontait que les femmes lui avaient dévoré les débris d'une fortune déjà fort entamée par son père au temps de l'émigration. Il avouait d'ailleurs sa pauvreté de fort bonne grâce. Recueilli par un de ses parents, le comte de Valqueyras, il vivait en parasite, mangeant à la table du comte, habitant un étroit logement situé sous les combles de son hôtel.

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