La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°273)

Partie : Préface, chapitre III

Tous les habitués du salon jaune, à la vérité, n'avaient pas l'épaisseur de cette oie grasse. Un riche propriétaire, monsieur Roudier, au visage grassouillet et insinuant, y discourait des heures entières, avec la passion d'un orléaniste que la chute de Louis-Philippe avait dérangé dans ses calculs. C'était un bonnetier de Paris retiré à Plassans, ancien fournisseur de la cour, qui avait fait de son fils un magistrat, comptant sur les Orléans pour pousser ce garçon aux plus hautes dignités. La révolution ayant tué ses espérances, il s'était jeté dans la réaction àcorps perdu. Sa fortune, ses anciens rapports commerciaux avec les Tuileries, dont il semblait faire des rapports de bonne amitié, le prestige que prend en province tout homme qui a gagné de l'argent à Paris et qui daigne venir le manger au fond d'un département, lui donnaient une très grande influence dans le pays ; certaines gens l'écoutaient parler comme un oracle.

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