La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°275)

Partie : Préface, chapitre III

On voyait aussi, chez les Rougon, un personnage aux mains humides, aux regards louches, le sieur Vuillet, un libraire qui fournissait d'images saintes et de chapelets toutes les dévotes de la ville. Vuillet tenait la librairie classique et la librairie religieuse ; il était catholique pratiquant, ce qui lui assurait la clientèle des nombreux couvents et des paroisses. Par un coup de génie, il avait joint à son commerce la publication d'un petit journal bihebdomadaire, La Gazette de Plassans, dans lequel il s'occupait exclusivement des intérêts du clergé. Ce journal lui mangeait chaque année un millier de francs ; mais il faisait de lui le champion de l'Eglise et l'aidait à écouler les rossignols sacrés de sa boutique. Cet homme illettré, dont l'orthographe était douteuse, rédigeait lui-même les articles de La Gazette avec une humilité et unfiel qui lui tenaient lieu de talent. Aussi le marquis, en se mettant en campagne, avait-il été frappé du parti qu'il pourrait tirer de cette figure plate de sacristain, de cette plume grossière et intéressée. Depuis février, les articles de La Gazette contenaient moins de fautes ; le marquis les revoyait.

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