La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°304)

Partie : Préface, chapitre III

Quand Eugène fut parti, Félicité essaya de pénétrer le secret qu'on lui cachait. Elle connaissait trop son mari pour l'interroger ouvertement, il lui aurait répondu avec colère que cela ne la regardait pas. Mais, malgré la tactique savante qu'elle déploya, elle n'apprit absolument rien. Eugène, à cette heure trouble où la plus grande discrétion était nécessaire, avait bien choisi son confident. Pierre, flatté de la confiance de son fils, exagéra encore cette lourdeur passive qui faisait de luiune masse grave et impénétrable. Lorsque Félicité eut compris qu'elle ne saurait rien, elle cessa de tourner autour de lui. Une seule curiosité lui resta, la plus âpre. Les deux hommes avaient parlé d'un prix stipulé par Pierre lui-même. Quel pouvait être ce prix ? Là était le grand intérêt pour Félicité, qui se moquait parfaitement des questions politiques. Elle savait que son mari avait dû se vendre cher, mais elle brûlait de connaître la nature du marché. Un soir, voyant Pierre de belle humeur, comme ils venaient de se mettre au lit, elle amena la conversation sur les ennuis de leur pauvreté.

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