La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°540)

Partie : Préface, chapitre IV

Une semaine plus tard, Antoine occupait une grande chambre du vieux quartier, dans laquelle Félicité, tenantplus que ses promesses, sur l'engagement formel du jeune homme de les laisser tranquilles désormais, avait fait mettre un lit, une table et des chaises. Adélaïde vit sans aucun regret partir son fils ; elle était condamnée à plus de trois mois de pain et d'eau par le court séjour qu'il avait fait chez elle. Antoine eut vite bu et mangé les deux cents francs. Il n'avait pas songé un instant à les mettre dans quelque petit commerce qui l'eût aidé à vivre. Quand il fut de nouveau sans le sou, n'ayant aucun métier, répugnant d'ailleurs à toute besogne suivie, il voulut puiser encore dans la bourse des Rougon. Mais les circonstances n'étaient plus les mêmes, il ne réussit pas à les effrayer. Pierre profita même de cette occasion pour le jeter à la porte, en lui défendant de jamais remettre les pieds chez lui. Antoine eut beau reprendre ses accusations, la ville qui connaissait la munificence de son frère, dont Félicité avait fait grand bruit, lui donna tort et le traita de fainéant. Cependant la faim le pressait. Il menaça de se faire contrebandier comme son père, et de commettre quelque mauvais coup qui déshonorerait sa famille. Les Rougon haussèrent les épaules ; ils le savaient trop lâche pour risquer sa peau. Enfin, plein d'une rage sourde contre ses proches et contre la société tout entière, Antoine se décida à chercher du travail.

?>