La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°548)

Partie : Préface, chapitre IV

A partir de ce moment, les Macquart prirent le genre de vie qu'ils devaient continuer à mener. Il fut comme entendu tacitement entre eux que la femme suerait sang et eau pour entretenir le mari. Fine, qui aimait le travail par instinct, ne protesta pas. Elle était d'une patience angélique, tant qu'elle n'avait pas bu, trouvant tout naturel que son homme fût paresseux, et tâchant de lui éviter même les plus petites besognes. Son péché mignon, l'anisette, la rendait non pas méchante, mais juste ; les soirs où elle s'était oubliée devant une bouteille de sa liqueur favorite, si Antoine lui cherchait querelle, elle tombait sur lui à bras raccourcis, en lui reprochant safainéantise et son ingratitude. Les voisins étaient habitués aux tapages périodiques qui éclataient dans la chambre des époux. Ils s'assommaient consciencieusement ; la femme tapait en mère qui corrige son galopin ; mais le mari, traître et haineux, calculait ses coups, et, à plusieurs reprises, il faillit estropier la malheureuse.

?>