La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°564)

Partie : Préface, chapitre IV

Chaque parti a ses grotesques et ses infâmes. Antoine Macquart, rongé d'envie et de haine, rêvant des vengeances contre la société entière, accueillit la République comme une ère bienheureuse où il lui serait permis d'emplir ses poches dans la caisse du voisin, et même d'étrangler le voisin, s'il témoignait le moindre mécontentement. Sa vie de café, les articles de journaux qu'il avait lus sans les comprendre, avaient fait de lui un terrible bavard qui émettait en politique les théories les plus étranges du monde. Il faut avoir entendu, en province, dans quelque estaminet, pérorer un de ces envieux qui ont mal digéré leurs lectures, pour s'imaginer à quel degré de sottise méchante en était arrivé Macquart. Comme il parlait beaucoup, qu'il avait servi et qu'il passait naturellement pour être un homme d'énergie, il était très entouré, très écouté par les naïfs. Sans être unchef de parti, il avait su réunir autour de lui un petit groupe d'ouvriers qui prenaient ses fureurs jalouses pour des indignations honnêtes et convaincues.

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