La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°569)

Partie : Préface, chapitre IV

Sa haine s'accrut encore, lorsque les Rougon eurent groupé les conservateurs autour d'eux, et qu'ils prirent, à Plassans, une certaine influence. Le fameux salon jaune devint, dans ses bavardages ineptes de café, une caverne de bandits, une réunion de scélérats qui juraient chaque soir sur des poignards d'égorger le peuple. Pour exciter contre Pierre les affamés, il alla jusqu'à faire courir le bruit que l'ancien marchand d'huile n'était pas aussi pauvre qu'il le disait, et qu'il cachait ses trésors par avarice et par crainte des voleurs. Sa tactique tendit ainsi à ameuter les pauvres gens, en leur contant des histoires à dormir debout, auxquelles il finissait souvent par croire lui-même. Il cachait assez mal ses rancunes personnelles et ses désirs de vengeance sous le voile du patriotisme le plus pur ; mais il se multipliait tellement, il avait une voix si tonnante, que personne n'aurait alors osé douter de ses convictions.

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