La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°751)

Partie : Préface, chapitre V

Il était alors environ six heures. Un léger brouillard devait monter de la Viorne. La nuit semblait s'épaissir encore. Les jeunes gens grimpèrent à tâtons le long de la pente des Garrigues, jusqu'à un rocher, sur lequel ils s'assirent. Autour d'eux, se creusait un abîme de ténèbres. Ils étaient comme perdus sur la pointe d'un récif, au-dessus du vide. Et dans ce vide, quand le roulement sourd de la petite armée se fut perdu, ils n'entendirent plus que deux cloches, l'une vibrante, sonnant sans doute à leurs pieds, dans quelque village bâti au bord de la route, l'autre éloignée, étouffée, répondant aux plaintes fébriles de la première par de lointains sanglots. On eût dit que ces cloches se racontaient, dans le néant, la fin sinistre d'un monde.

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