La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°854)

Partie : Préface, chapitre V

Le son étrange de leurs voix les étonna. Elles avaient pris une sourde et singulière douceur dans ce trou humide. Il leur semblait qu'elles venaient de très loin, avec ce chant léger des voix entendues le soir dans la campagne. Ils comprirent qu'il leur suffirait de parler bas pour s'entendre. Le puits résonnait au moindre souffle. Accoudés aux margelles, penchés et se regardant, ils causèrent. Miette dit combien elle avait eu du chagrin depuis huit jours. Elle travaillait à l'autre bout du Jas et ne pouvait s'échapper que le matin de bonne heure. En disant cela, elle faisait une moue de dépit que Silvère distinguait parfaitement, et à laquelle il répondait par un balancement de tête irrité. Ils se faisaient leurs confidences, comme s'ils se fussent trouvés face à face, avec les gestes et les expressions de physionomie que demandaient les paroles. Peu leur importait le mur qui les séparait, maintenant qu'ils se voyaient là-bas, dans ces profondeurs discrètes.

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