La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°894)

Partie : Préface, chapitre V

Les jeunes gens restèrent deux jours sans se voir. Quand Miette osa revenir au puits, ils se promirent de ne plus recommencer l'équipée de l'avant-veille. Cependant leur entrevue, si brusquement coupée, leur avait donné un vif désir de se retrouver seule à seul, au fond de quelque heureuse solitude. Las des joies que le puits leur offrait, et ne voulant pas chagriner tante Dide, en revoyant Miette de l'autre côté du mur, Silvère supplia l'enfant de lui donner des rendez-vous autre part. Elle ne se fit guère prier, d'ailleurs ; elle accepta cette idée avec des rires satisfaits de gamine qui ne songe pas encore au mal ; ce qui la faisait rire, c'était l'idée qu'elle allait jouer de finesse avec cet espion de Justin. Lorsque les amoureux furent d'accord, ils discutèrent pendant longtemps le choix d'un lieu de rencontre. Silvère proposa des cachettes impossibles ; il rêvait de faire de véritables voyages, ou bien de rejoindre la jeune fille, à minuit, dans les greniers du Jas-Meiffren. Miette, plus pratique, haussa les épaules, en déclarant qu'elle chercherait à son tour. Le lendemain, elle ne demeura qu'une minute au puits, le temps de sourire à Silvère et de lui dire de se trouver le soir, vers dix heures, au fond de l'aire Saint-Mittre. On pense si le jeune homme fut exact ! Tout le jour, le choix de Miette l'avait fort intrigué. Sa curiosité augmenta, lorsqu'il se fut engagé dans l'étroite allée queles tas de planches ménagent au fond du terrain. " Elle viendra par là ", se disait-il en regardant du côté de la route de Nice. Puis il entendit un grand bruit de branches derrière le mur, et il vit apparaître, au-dessus du chaperon, une tête rieuse, ébouriffée, qui lui cria joyeusement

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