La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°902)

Partie : Préface, chapitre V

Mais Silvère, la prenant par les genoux, l'avait descendue à terre, et ils marchaient côte à côte, les bras à la taille. Tout en se querellant sur la manière dont on doit poser les pieds et les mains à la naissance des branches, ils se serraient davantage, ils sentaient sous leurs étreintes des chaleurs inconnues les brûler d'une étrange joie. Jamais le puits ne leur avait procuré de pareils plaisirs. Ils restaient enfants, ils avaient des jeux et des causeries de gamins, et goûtaient les jouissances d'amoureux, sans savoir seulement parler d'amour, rien qu'à se tenir par le bout des doigts. Ils cherchaient la tiédeur de leurs mains, pris d'un besoin instinctif, ignorant où allaient leurs sens et leur cœur. A cette heure d'heureuse naïveté, ils se cachaient même la singulière émotion qu'ils se donnaient mutuellement, au moindre contact. Souriants, étonnés parfois des douceurs qui coulaient en eux, dès qu'ils se touchaient, ils s'abandonnaient secrètement aux mollesses de leurs sensations nouvelles, tout en continuant à causer comme deux écoliers, des nids de pie qui sont si difficiles à atteindre.

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