La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°917)

Partie : Préface, chapitre V

Puis ils commençaient à étouffer dans l'allée étroite. Jamais elle n'avait frissonné d'un si ardent frisson ; jamais le sol, ce terreau où dormaient les derniers ossements de l'ancien cimetière, n'avait laissé échapper des haleines plus troublantes. Et ils avaient encore trop d'enfance pour goûter le charme voluptueux de ce trou perdu, tout enfiévré par le printemps. Les herbes leur montaient aux genoux ; ils allaient et venaient difficilement, et, quand ils écrasaient les jeunes pousses, certaines plantes exhalaient des odeurs âcres qui les grisaient. Alors, pris d'étranges lassitudes, troublés et vacillants, les pieds comme liés par les herbes, ils s'adossaient contre la muraille, les yeux demi-clos, ne pouvant plus avancer. Il leur semblait que toute la langueur du ciel entrait en eux.

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