La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°922)

Partie : Préface, chapitre V

Un soir, elle apporta un costume de bain qu'elle s'était taillé dans une vieille robe. Il fallut que Silvère retournât chez tante Dide chercher son caleçon. La partie fut toute naïve. Miette ne s'écarta même pas ; elle se déshabilla, naturellement, dans l'ombre d'un saule, si épaisse que son corps d'enfant n'y mit pendant quelques secondes qu'une blancheur vague. Silvère, de peau brune, apparut dans la nuit comme le tronc assombri d'un jeune chêne, tandis que les jambes et les bras de la jeune fille, nus et arrondis, ressemblaient aux tiges laiteuses des bouleaux de la rive. Puis tous deux, comme vêtus des taches sombres que les hauts feuillages laissaient tomber sur eux, entrèrent dans l'eau gaiement, s'appelant, se récriant, surpris par la fraîcheur. Et les scrupules, les hontes inavouées, les pudeurs secrètes, furent oubliés. Ils restèrent là une grande heure, barbotant, se jetant de l'eau au visage, Miette se fâchant, puis éclatant de rire, et Silvère lui donnant sa première leçon, lui enfonçant de temps à autre la tête, pour l'aguerrir. Tant qu'il la tenait d'une main par la ceinture de son costume, en lui passant l'autre main sous le ventre, elle faisait aller furieusementles jambes et les bras, elle croyait nager ; mais, dès qu'il la lâchait, elle se débattait en criant, et, les mains tendues, frappant l'eau, elle se rattrapait où elle pouvait, à la taille du jeune homme, à l'un de ses poignets. Elle s'abandonnait un instant contre lui, elle se reposait, essoufflée, toute ruisselante, tandis que son costume mouillé dessinait les grâces de son buste de vierge. Puis elle criait :

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