La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon (paragraphe n°944)

Partie : Préface, chapitre V

Et ils descendirent la côte, ils regagnèrent la route en courant. Puis, quand ils furent en bas, ils levèrent la tête, comme pour dire adieu à cette roche sur laquelle ils avaient pleuré, en se brûlant les lèvres d'un baiser. Mais ils ne reparlèrent point de cette caresse ardente qui avait mis dans leur tendresse un besoin nouveau, vague encore, et qu'ils n'osaient formuler. Ils ne se donnèrent même pas le bras, sous prétexte de marcher plus vite. Et ils marchaient gaiement, un peu confus, sans savoir pourquoi, quand ils venaient à se regarder. Autour d'eux, le jour grandissait. Le jeune homme, que son patron envoyait parfois à Orchères, choisissait sans hésiter les bons sentiers, les plus directs. Ils firent ainsi plus de deux lieues, dans des chemins creux, le long de haies et de murailles interminables. Miette accusait Silvère de l'avoir égarée. Souvent, pendant des quarts d'heure entiers, ils ne voyaient pas un bout du pays, ils n'apercevaient, au-dessus des murailles et des haies, que de longues files d'amandiers dont les branches maigres se détachaient sur la pâleur du ciel.

?>