La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°1252)

Chapitre VI

Dès lors, Lazare attendit, dans un affreux serrement de poitrine. Une ceinture de fer semblait lui boucler les côtes. La journée s'éternisait, et elle passait pourtant, sans qu'il sût de quelle façon coulaient les heures. Il ne se rappela jamais ce qu'il avait fait, montant, descendant, regardant au loin la mer, dont le bercement immense achevait de l'étourdir. La marche invincible des minutes, par instants, se matérialisait, devenait en lui la poussée d'une barre de granit qui balayait tout à l'abîme. Puis, il s'exaspérait, il aurait voulu que tout fût terminé, pour se reposer enfin de cette abominable attente. Vers quatre heures, comme il montait une fois de plus à sa chambre, il entra brusquement chez sa mère : il voulait voir, il avaitle besoin de l'embrasser encore. Mais, quand il se pencha, elle continua de dévider l'écheveau embrouillé de ses phrases, elle ne tendit même pas la joue, du mouvement fatigué dont elle l'accueillait depuis sa maladie. Peut-être ne le vit-elle point. Ce n'était plus sa mère, ce visage plombé, aux lèvres noires déjà.

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