La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°1257)

Chapitre VI

Malgré la nuit tombée, il n'y avait pas de lumière dans la cuisine. La pièce était vide et sombre, rougie au plafond par le reflet d'un fourneau de braise. Ces ténèbres saisirent Lazare, qui ne trouva pas le courage d'aller plus loin. Eperdu, debout au milieu du désordre des pots et des torchons, il écouta les bruits dont la maison frissonnait. A côté, il entendait une petite toux de son père, auquel l'abbé Horteur parlait, d'une voix sourde et continue. Mais ce qui l'effrayait surtout, c'étaient, dans l'escalier, des pas rapides, des chuchotements, puis, à l'étage supérieur, un bourdonnement qu'il ne s'expliquait pas, comme le tumulte étouffé d'une besogne vivement faite. Il n'osait comprendre, était-ce donc fini ? Et il demeurait immobile, sans avoir la force de monter chercher une certitude, lorsqu'il vit descendre Véronique : elle courait, elle alluma une bougie et l'emporta, si pressée, qu'elle ne lui jeta ni une parole ni même un regard. La cuisine, éclairée un moment, était retombée dans le noir. En haut, les piétinements s'apaisaient. Il y eut encore une apparition de la bonne, qui, cette fois, descendait prendre une terrine ; et toujours la même hâte effarée et muette. Lazare ne douta plus, c'était fini. Alors, défaillant, il s'assit au bord de la table,il attendit au fond de cette ombre, sans savoir ce qu'il attendait, les oreilles sonnantes du grand silence qui venait de se faire.

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