La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°1363)

Chapitre VII

Maintenant, Pauline avait pris la direction de la maison, avec la maturité riante d'une bonne ménagère. Les achats, les moindres détails, lui passaient sous les yeux, et le trousseau des clefs battait à sa ceinture. Cela s'était fait naturellement, sans que Véronique parût s'en fâcher. La bonne, cependant, restait revêche et comme hébétée, depuis la mort de madame Chanteau. Il semblait se produire en elle un nouveau travail, un retour d'affection vers la morte, tandis qu'elle redevenait d'une maussaderie méfiante devant Pauline. Celle-ci avait beau lui parler doucement, elle s'offensait d'un mot, on l'entendait se plaindre toute seule dans sa cuisine. Et, lorsqu'elle pensait ainsi à voix haute, après de longs silences obstinés, toujours reparaissait en elle la stupeur de la catastrophe. Est-ce qu'elle savait que Madame allait mourir ? Bien sûr, elle n'aurait jamais dit ce qu'elle avait dit. La justice avant tout, on ne devait pas tuer les gens,même quand les gens avaient des défauts. Du reste, elle s'en lavait les mains, tant pis pour la personne qui était la vraie cause du malheur ! Mais cette assurance ne la calmait pas, elle continuait à grogner, en se débattant contre sa faute imaginaire.

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