La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°1367)

Chapitre VII

Le mot de mariage n'avait plus été prononcé entre Pauline et Lazare. Chanteau, près duquel la jeune fille venait coudre, afin de le désennuyer, s'était risqué une fois à faire une allusion, désireux d'en finir, maintenant que l'obstacle avait disparu. C'était surtout chez lui un besoin de la garder, une terreur de retomber aux mains de la bonne, s'il la perdait jamais. Pauline avait donné à entendre qu'on ne pouvait rien décider avant la fin du grand deuil. Les convenances ne lui dictaient pas seules cette parole sage, elle comptait demander au temps la réponse à une question, qu'elle n'osait s'adresser elle-même. Une mort si brusque, ce coup terrible dont elle et son cousin restaient ébranlés, avait fait comme une trêve dans leurs tendresses saignantes. Ils s'en éveillaient peu à peu pour souffrir encore, en retrouvant, sous la perte irréparable, leur drame à eux : Louise surprise et chassée,leurs amours détruites, leur existence changée peut-être. Que résoudre maintenant ? S'aimaient-ils toujours, le mariage demeurait-il possible et raisonnable ? Cela flottait dans l'étourdissement où la catastrophe les laissait, sans que ni l'un ni l'autre parût impatient de brusquer une solution.

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