La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°1385)

Chapitre VII

Pauline, cependant, voulait vaincre, dans l'orgueil de son abnégation. Elle connaissait le mal, elle tâchait de donner à Lazare de son courage, en lui faisant aimer la vie. Mais il y avait là un échec continuel à sa bonté. D'abord, elle avait imaginé de l'attaquer en face, elle recommençait ses anciennes plaisanteries sur " cette vilaine bête de pessimisme ". Quoi donc ? c'était elle, maintenant, qui disait la messe au grand saint Schopenhauer ; tandis que lui, comme tous ces farceurs de pessimistes, consentait bien à faire sauter le monde avec un pétard, mais refusait absolument de se trouver dans la danse ! Ces railleries le secouaient d'un rire contraint et il paraissait en souffrir tellement, qu'elle ne recommença plus. Ensuite, elle essaya des consolations dont on berce les bobos des enfants, elle s'efforça de lui faire un milieu aimable, d'une paix riante. Toujours, il la voyait heureuse, fraîche, sentant bon l'existence. La maison était pleine de soleil. Il n'aurait eu qu'à se laisser vivre, et il ne le pouvait, ce bonheur exaspérait davantage son effroi de l'au-delà. Enfin, elle rusait, elle rêvait de lelancer dans quelque grosse besogne, qui l'aurait étourdi. Malade d'oisiveté, n'ayant de goût à rien, il trouvait trop rude même de lire, et passait les jours à se dévorer.

?>