La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°1475)

Chapitre VII

Une dernière secousse attendait Lazare, son vieux Mathieu n'allait pas bien. La pauvre bête, qui avait eu quatorze ans en mars, était de plus en plus prise par les pattes de derrière. Quand des crises l'engourdissaient, il pouvait à peine marcher, il demeurait dans la cour, étendu au soleil, guettant le monde sortir, de ses yeux mélancoliques. C'étaient surtout ces yeux de vieux chien qui remuaient Lazare, des yeux devenus troubles, obscurcis d'un nuage bleuâtre, vagues comme des yeux d'aveugle. Pourtant, il voyait encore, il se traînait pour venir appuyer sa grosse tête sur le genou de son maître, puis le regardait fixement, avec l'air triste de tout comprendre. Et il n'était plus beau : sa robe blanche et frisée avait jauni ; son nez, autrefois si noir, blanchissait ; une saleté et une sorte de honte le rendaient lamentable,car on n'osait le laver à cause de son grand âge. Tous ses jeux avaient cessé, il ne se roulait plus sur le dos, ne tournait plus après sa queue, n'était même plus allumé d'accès de tendresse pour les petits de la Minouche, quand la bonne les portait à la mer. Maintenant, il passait les journées dans une somnolence de vieil homme, et il éprouvait tant de peine à se remettre debout, il tirait tellement sur ses pattes molles, que souvent quelqu'un de la maison, pris de pitié, l'aidait, le soutenait une minute, afin qu'il pût marcher ensuite.

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