La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°1536)

Chapitre VIII

Dès ce jour, par-dessus le vide béant que la mort de sa mère creusait en lui, il se remit à désirer Louise. Il ne l'avait jamais oubliée sans doute ; mais elle sommeillait dans sa douleur ; et il fallait cette chose d'elle, pour l'éveiller vivante, avec la chaleur même de son haleine. Quand il était seul, il reprenait le gant, le respirait, le baisait, croyait encore qu'il la tenait à pleins bras, la bouche enfoncée dans sa nuque. Le malaise nerveux où il vivait, l'excitation de ses longues paresses, rendaient plus vive cette griserie charnelle. C'étaient de véritables débauches où il s'épuisait. Et s'il en sortait mécontent de lui, il y retombait quand même, emporté par une passion dont il n'était pas le maître. Cela augmenta son humeur sombre, il en arrivait à se montrer brusque avec sa cousine, comme s'il lui gardait rancune de ses propres abandons. Elle ne disait rien à sa chair, et il se sauvait parfois d'une causerie gaie et tranquille qu'ils avaient ensemble, pour courir à son vice, s'enfermer, se vautrerdans le souvenir brûlant de l'autre. Ensuite, il redescendait, avec le dégoût de la vie.

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