La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°1742)

Chapitre IX

A Paris, au milieu de sa fièvre d'amour, Lazare avait oublié la mort. Il se réfugiait éperdument dans les bras de Louise, si brisé ensuite de lassitude, qu'il s'endormait d'un sommeil d'enfant. Elle aussi l'aimait en amante, avec ses grâces voluptueuses de chatte, faite uniquement pour ceculte de l'homme, tout de suite malheureuse et perdue, s'il cessait une heure de s'occuper d'elle. Et la satisfaction emportée de leurs anciens désirs, l'oubli du reste au cou l'un de l'autre, s'étaient prolongés, tant qu'ils avaient cru ne jamais toucher le fond de ces joies sensuelles. Mais la satiété venait, lui s'étonnait de ne pouvoir aller au-delà de l'ivresse des premiers jours ; tandis qu'elle, dans son besoin unique de caresses, ne demandant et ne rendant rien de plus, ne lui apportait aucun des soutiens ni des courages de la vie. Etait-ce donc si court, cette joie de la chair ? ne pouvait-on y descendre sans cesse, y découvrir sans cesse des sensations nouvelles, dont l'inconnu fût assez puissant pour suffire à l'illusion du bonheur ? Une nuit, Lazare fut réveillé en sursaut par le souffle glacé, dont l'effleurement lui hérissait les poils de la nuque ; et il grelotta, et il bégaya son cri d'angoisse : " Mon Dieu ! mon Dieu ! il faut mourir ! " Louise dormait à côté de lui. C'était la mort qu'il retrouvait au bout de leurs baisers.

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