La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°1771)

Chapitre IX

Parfois pourtant, lorsque Pauline et Lazare faisaient une de leurs longues promenades, il leur arrivait des aventures. C'est ainsi qu'un jour, comme ils avaient quitté le sentier de la falaise, pour ne point passer devant l'usine de la baie du Trésor, ils tombèrent justement sur Boutigny, au détour d'un chemin creux. Boutigny était maintenant un gros monsieur, enrichi par sa fabrication de la soude de commerce ; il avait épousé la créature qui s'était dévouée jusqu'à le suivre au fond de ce pays de loups ; et elle venait d'accoucher de son troisième enfant. Toute la famille, accompagnée d'un domestique et d'une nourrice, occupait un break superbe, attelé d'une paire de grands chevaux blancs. Les deux promeneurs durent se ranger, collés contre le talus, pour n'être pas accrochés par les roues. Boutigny, qui conduisait, avait mis les chevaux au pas. Il y eut un instant de gêne : on ne se parlait plus depuis tant d'années, la présence de la femmeet des enfants rendait l'embarras plus pénible. Enfin, les yeux s'étant rencontrés, on se salua de part et d'autre, lentement, sans une parole.

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