La Joie de vivre

La Joie de vivre (paragraphe n°1838)

Chapitre IX

Une insomnie tint Pauline éveillée jusqu'au jour. Cette abomination l'obsédait. Toute cette soirée était un crime qui lui faisait horreur. Maintenant, elle ne pouvait plus s'excuser elle-même, il fallait bien qu'elle avouât la duplicité de ses tendresses. Son affection maternelle pour Lazare, ses accusations sourdes contre Louise, étaient simplement les réveils hypocrites de sa passion ancienne. Elle avait glissé à ces mensonges, elle descendait plus avant dans les sentiments inavoués de son cœur, où elle découvrait une joie de la désunion du ménage, une espérance d'en profiter peut-être. N'était-ce pas elle qui venait de faire recommencer à son cousin les joursd'autrefois ? N'aurait-elle pas dû prévoir que la chute se trouverait au bout ? A cette heure, la situation terrible se dressait, barrant leur vie à tous : elle l'avait donné à une autre, et elle l'adorait, et il la voulait. Cela tournait dans son crâne, battait ses tempes comme une volée de cloches. D'abord, elle résolut de s'enfuir le lendemain. Puis, elle trouva cette fuite lâche. Puisqu'il partait lui-même, pourquoi ne pas attendre ? Et, d'ailleurs, un orgueil lui revenait, elle entendait se vaincre, pour ne pas emporter la honte d'avoir mal fait. Désormais, elle sentait qu'elle ne vivrait plus la tête haute, si elle gardait le remords de cette soirée.

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